vendredi 25 mars 2011

Ordem e progresso

(...) D'autre part, il est reconnu en politique qu'un parti d'ordre ou de stabilité et un parti de progrès ou de réforme sont les deux éléments nécessaires d'un état politique florissant, jusqu'à ce que l'un ou l'autre ait tellement étendu sa puissance intellectuelle qu'il puisse être à la fois un parti d'ordre et de progrès, connaissant et distinguant ce qu'on doit conserver et ce qui doit être détruit. Chacune de ces manières de penser tire son utilité des défauts de l'autre ; mais c'est principalement leur opposition mutuelle qui les maintient dans les limites de la saine raison. Si l'on ne peut exprimer avec une liberté égale, soutenir et défendre avec un talent et une énergie égale toutes les opinions militantes de la vie pratique, qu'elles soient favorables à la démocratie ou à l'aristocratie, à la propriété ou à l'égalité, à la coopération ou à la compétition, au luxe ou à l'abstinence, à l'état ou à l'individu, à la liberté ou à la discipline, il n'y a aucune chance pour que les deux éléments obtiennent ce qui leur est dû ; il est sûr qu'un des plateaux de la balance l'emportera sur l'autre. La vérité, dans les grands intérêts pratiques de la vie, est surtout une question de combinaison et de conciliation des extrêmes ; aussi très peu d'hommes ont-ils assez de lumière et d'impartialité pour faire cet accommodement d'une façon à peu près correcte : il doit être accompli alors par le procédé violent d'une lutte entre des combattants sous des bannières hostiles. Si, à propos d'une des grandes questions qu'on vient d'énumérer, une opinion a plus de droit que l'autre à être, non seulement tolérée, mais encore encouragée et soutenue, c'est celle qui se trouve être la plus faible. Voilà l'opinion qui pour le moment représente les intérêts négligés, le côté du bien-être humain qui est en danger d'obtenir moins que sa part. Je sais qu'on tolère parmi nous les opinions les plus différentes sur la plupart de ces matières : ce qui prouve par des exemples nombreux et non équivoques l'universalité de ce fait, que dans l'état actuel de l'esprit humain toute la vérité ne peut se faire jour que par la diversité d'opinion. Quand on trouve des personnes qui ne partagent point l'apparente unanimité du monde sur un sujet, il est probable, même le monde fût-il dans le vrai, que ces dissidents ont à dire en leur faveur quelque chose qui mérite d'être écouté, et que la vérité perdrait quelque chose à leur silence. (...)

La Liberté, par M. John Stuart Mill, traduit par M. Dupont-White, éditions Guillaumin, Paris, 1860.

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